Episode 2

Le quartier où trône la « maison verte » n’est pas très reluisant, et Suzie et ses compagnons ne passent pas inaperçus. Le bâtiment, un ancien hôpital de six étages, n’est plus qu’un ensemble de murs, une coquille au travers de laquelle de monstrueux arbres noueux aux branches retorses ont poussé, explosant les fenêtres et poussant les pierres comme s’ils étouffaient. Il ne peut s’agir que de magie, et Court-avec-les-loups confirme que seuls plusieurs chamans pourraient peut-être arriver à faire ça. Un des Derniers Fils aurait-il ce pouvoir ? Suzie n’en doute pas après tout ce qu’elle a vécu aux côtés de Corbeau Cendré et face à Serres-de-Nuit. Elle avise deux gamins malpolis du quartier qui, contre une pièce et une taloche, informent le groupe que l’accident s’est produit il y a une dizaine de jours, et en un instant : cet immeuble délabré était devenu le repaire d’un gang (celui de la 42ème rue) dont la majorité a péri dans le drame. Les arbres ont poussé subitement et à la vitesse de l’éclair. La rumeur new-yorkaise accuse tout-à-tour des expériences scientifiques agricoles, une guerre des gangs ou des manœuvres politiques. La police est venue enquêter, et des Pinkerton également. Les gamins malpolis conseillent à Suzie d’aller voir la vieille Martha, la voyante du quartier, si elle souhaite parler aux morts de l’immeuble.

Pendant ce temps-là, ses compagnons n’ont pas perdu de temps : John Jefferson Everett (JJE) a pénétré dans la bâtisse d’un coup d’épaule à travers la porte branlante, et une vision l’a assailli : il a vu des malfrats autour d’un feu, écoutant un homme en costume des beaux quartiers les haranguer et les motiver à commettre des exactions. En visitant la ruine complètement végétalisée, les compagnons (peut-on vraiment parler de compagnons lorsqu’on voyage avec des morts qui marchent et mangent de la chair humaine?) notent qu’il n’y a pas un cadavre, mais la végétation a gardé la mémoire des formes des personnes qu’elle a tuées. Ce qui ressemble à des formes humaines emprisonnées dans les plantes ne sont donc en fait que des coquilles vides…

Au sortir de la demeure, le groupe est alpagué par un homme bedonnant, moustache sombre et favoris fournis, haut-de-forme et redingote noire de qualité, entouré de sept gros bras. Il se présente comme le propriétaire de l’immeuble, Mr Fitzgerald. Affable, il dit s’enquérir de leur présence sur sa propriété, il les invite même à déjeuner. Personne ne doute qu’il est là pour leur tirer les vers du nez, mais on n’hésite pas longtemps. C’est sans doute l’occasion d’en apprendre un peu plus. Betty et Suzie chacune à un bras, Fitzgerald emprunte des ruelles mal famées, allant jusqu’à passer devant une bande de truands des bas-quartiers, la mafia locale, qui fait une haie d’honneur au groupe. Ceux-là se connaissent à n’en pas douter, et une certaine tension est palpable. Seraient-ce des concurrents ? Fort heureusement, Fitzgerald et ses invités arrivent sans encombre à l’Atlantico. L’homme est un promoteur qui souhaite réhabiliter l’hôpital et le quartier devenus la proie des bandes de racailles. Il a racheté la demeure après le drame, son ancien propriétaire (un certain Edward O’Malley) ayant toujours refusé de vendre avant ça. De là à supputer qu’il y a relation de cause à effet, il n’y a qu’un pas que le groupe n’hésite pas à franchir.

Le repas fini (et réglé par Fitzgerald), Suzie décide d’aller enfin questionner la voyante. Si elle parle réellement aux morts de la maison verte, peut-être Suzie le pourra-t-elle également ?

Martha vit dans une cabane ridicule aux planches disjointes, gardée par un chien aveugle à l’aboiement dépressif. Pendant que John se lie d’affection avec l’animal, Martha entame son spectacle à grand renforts de gestes démesurés et de boule de cristal. Suzie est un peu amusée de prime abord, lorsque l’improbable se produit : la voyante est réellement possédée par un esprit malin. Et quel esprit ! Suzie reconnaîtrait sa pose entre mille puisqu’il s’agit rien moins que Lucien Bowman himself !

Satan est venu superviser l’avancée des travaux de ses chers employés. Suzie en profite pour lui tirer les vers du nez. Le jeune homme de bonne famille qui haranguait le gang de la 42ème est Benjamin  Walter-Scott, fils du très renommé et austère Artemus Walter-Scott, un homme d’affaires en cheville avec Fitzgerald. Benji, fieffé coquin à l’en croire, rôtit en enfer avec son gang, ce qui satisfait grandement Lucien. Satan est réticent à l’envoyer discuter le bout de gras avec Suzie, mais il accepte de lui accorder un rendez-vous avec une de ses ouailles, plus tard.

L’entrevue terminée, chacun décide d’activer ses réseaux pour obtenir de plus amples informations sur les divers protagonistes de l’affaire jusque là. On apprend que Walter-Scott met un point d’honneur à faire rechercher les rares survivants du drame de la maison verte. Ceux-ci finissent en général assez mal, réduits en pulpe à coup de trique.

Court-avec-les-loups tente désespérément de retrouver un des survivants du gang de la 42ème, mais sa fortune (4 $) ne convainc pas ses frères cheyennes urbains de lui faire confiance.

Une surprise attend Suzie dans sa piaule de la banquette satinée : un membre du gang de la 42ème, complètement allumé. Mort et provisoirement échappé de l’enfer, la soif l’a rendu presque fou. Il confirme avec difficultés que Benjamin Walter-Scott s’est servi du gang contre son père, ruinant ses affaires, volant ses richesses, un vrai malfrat ! La police, aux bottes d’Artemus, est intervenue, engendrant des échauffourées et un mort en uniforme. Puis une bande de quatre Pinkerton ont suivi, et les choses ont empiré pour le gang. Un arbre s’est mis à pousser dans l’hôpital. Et après plus rien, que le désert, la soif et la chaleur de l’enfer. L’interlude ne dure que bien peu de temps pour le malheureux, et Satan le rappelle aussitôt à lui.

 

Le lendemain, alors que Suzie émerge à l’aube (vers 10 h) pendant que Betty et John font semblant de boire un café au bourbon au bar, Court obtient enfin de précieuses informations auprès de son compatriote cheyenne : il a lui même traqué et livré un des survivants du gang de la 42ème dans une belle demeure de la proche banlieue. Malheureusement, ces informations ont un prix. Le groupe est à présent dans le collimateur des protagonistes de l’affaire, et leur vie est en danger ! Suzie, consciente du danger, ne peut se résoudre à causer des problèmes à Harrietta. Elle décide donc de la prévenir de leur départ imminent. Mais le mal est déjà fait. Lorsqu’elle pénètre dans la chambre de la tenancière du bordel, celle-ci est assise sur le rebord du lit, la mine défaite. Son corps, lui, baigne dans le sang sur le tapis. Suzie est effondrée. Encore un proche victime de ses propres affaires. Suzie s’excuse platement auprès du fantôme d’Harrietta, et Everett, présent dans la pièce, la croit soudain folle à parler toute seule. En vérité, Harrietta la prévient que son assassin est caché derrière l’armoire du fond. La rage submerge Suzie et l’armoire submerge l’assassin (littéralement).

C’est un dur. Même sous la menace d’une arme et coincé sous cent kilos de bois, il refuse de dire pour qui il travaille. Qu’à cela ne tienne. Suzie lui loge une balle dans la tête et l’interroge maintenant qu’il est lui-même devenu un fantôme. N’ayant plus rien  à perdre ni à gagner, l’homme avoue avoir été envoyé par un certain Ernest Brandt.

Suzie n’a pas le temps de partager l’information avec John que l’apocalypse s’abat sur la banquette de satin. Vingt hommes au bas mot prennent le bordel d’assaut, mettant le feu et défouraillant à tout va. Dans un élan de bravoure (et surtout parce que, déjà morts, ils ne craignent rien), Betty et JJE décident de retenir les assaillants pour permettre à Suzie et Court de fuir par une fenêtre à l’étage. John invoque les flammes de l’enfer au rez-de-chaussée, deux fois d’affilée, pendant que sa compagne tombe le masque, révélant un visage d’outre-tombe aux pauvres malheureux qui la croisent à l’étage et fuient sans demander leur reste.

Suzie et Court-avec-les-loups s’échappent sans encombre par la fenêtre et, sans attendre leurs compagnons, tentent de suivre un des fuyards discrètement, qui les amène jusqu’à un hôtel particulier en ville, qui s’avère celui de l’honorable Artemus Walker-Scott (AWS).

C’est donc lui qui en veut à leur vie !

N’écoutant que sa stupidité, Suzie se fait annoncer par le majordome noir, suivie bien malgré lui par Court, qui doute du bien-fondé de la chose mais se jure de la protéger on ne comprend pas trop pourquoi mais ça doit avoir à faire avec l’honneur indien ou un truc dans le genre.

Artemus Walker-Scott, quoiqu’austère, ne se montre pas agressif. Ses interlocuteurs sont francs et vont droit au but. Ils ne sont là que pour l’indien aux bras noirs. Le reste ne les intéresse pas. Soulagé (peut-être), Walker-Scott vide son sac. Oui, Fitzgerald et lui font de la spéculation. Pour gagner des appuis, ils ont rejoint le parti nouvellement créé d’un sénateur, le très honorable et « républicain » Ernest Brandt. Ils font ensuite pression sur les propriétaires, promettent des logements neufs à leurs futurs électeurs et dégagent la racaille des quartiers louches pour les « réhabiliter ». C’est ce qui s’est passé avec l’hopital d’O’Malley.

AWS envoya son bon à rien de fils Benjamin voir de quoi il retournait. Ce dernier, fasciné par la vie de truand, a rejoint ceux qu’il devait espionner, devint leur leader et leur fit attaquer les stocks de marchandises de son père (dans l’import export).

Devant le refus de O’Malley de vendre, et voyant racaille s’installer, Artemus Walter-Scott, contre l’avis d’Ernest Brandt, décida alors de faire intervenir la police. En vain. Alors il demanda à des Pinkerton particuliers d’intervenir. Un indien aux bras noirs en faisait partie, il fit attaquer la bâtisse par des plantes belliqueuses et tua tout le monde dedans, y compris le fils d’Artemus.

O’Malley paniqua et vendit sa propriété à Fitzgerald.

L’arrivée du groupe, que l’on croit fouineurs, a dérangé tout le monde, explique Artemus. Il a donc fait traquer et assassiner sauvagement les survivants du gang pour venger son traître de fils. Il a embauché pour ce faire la mafia locale qu’il a retournée du même coup puisqu’elle était hostile aux promoteurs jusqu’à présent.

Alors pour faire tenir tout le monde tranquille, Ernest Brandt a récupéré un survivant prêt à raconter l’histoire et à détruire ainsi la carrière de Walker-Scott et celle de Fitzgerald par ricochet.

Il fit aussi intervenir la mafia pour faire taire les fouineurs à la banquette satinée.

AWS ne peut rien faire pour Suzie et son compagnon indien, il les renvoie vers Ernest Brandt, tout en leur proposant un marché. Si jamais le prisonnier du sénateur venait à disparaître corps et âme, leur récompense serait à la hauteur.

Le vieil homme est cependant peu enthousiaste. La perte de son fils l’a visiblement secoué.

 

Betty et JJE, pendant ce temps, n’ont pas chômé de leur côté. Une fois les ruines de la banquette de satin pacifiées, ils décident de retrouver Bobby le nain qui, eu égard aux services rendus dernièrement (et à la force de persuasion des deux déterrés), les oriente vers un boucher indien tenant un petit étal sur le port qui pourrait les rencarder sur un membre du gang de la 42ème encore en vie. Contre une somme assez rondelette, l’indien leur révèle qu’il a effectivement traqué et livré un des survivants du gang de la 42ème dans une belle demeure de la proche banlieue. Oui, cette phrase est effectivement un honteux copié-collé (voir page précédente), mais c’est pour voir si vous lisez vraiment ce CR.

Les deux groupes convergent finalement vers une demeure cossue aux murs blancs, résidence du très honorable Ernest Brandt. Tandis que nos quatre compères réfléchissent à la suite à donner à leurs opérations, une berline à moteur fait son apparition dans la rue et entre directement dans le parc du sénateur. Quatre hommes en descendent, habillés de noir et portant chapeau melon. Des regards s’échangent. Nul ne sait pourquoi les Pinkerton reviennent chez le sénateur, ni ce qu’ils ont gagné à travailler pour lui. Tout ce qui intéresse les agents de Lucien Bowman, c’est que l’un des Pinkerton est un indien, et que ses avant-bras sont noirs comme la nuit…

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